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SARKAS DERNIER TOUR DE PISTE
BARGUNA + MAGURA, BANGLADESH © LUCIEN MIGNÉ / AGENCE ZEPPELIN
Acclamés mais rejetés, les cirques itinérants du Bangladesh sont sur le point de disparaître. Vivant de leur art au gré des villes qui les accueillent, ces artistes enchanteurs sont boudés par les jeunes générations. Si l'on peut se réjouir du durcissement des conditions requises pour travailler avec un éléphant, cette corporation fragile préfère s'en abstenir, renonçant ainsi à son meilleur ambassadeur. Issus d'une tradition ancestrale, dans un pays où la culture orale prédomine, ces communautés nomades essuient les plâtres de la globalisation. La plus grande d'entre elles, le Lion Circus, ne regroupe plus que 70 saltimbanques et techniciens. Face à un ostracisme croissant, les clowns sont tristes.
Depuis la colonisation britannique, une grande tradition circassienne s'est développée dans le golfe du Bengale. Fondé en 1885 par la famille Sankar Nihoy, le Lion Circus est géré et exploité de père en fils. Il est aujourd'hui le plus grand cirque itinérant encore actif au Bangladesh. Il réunit une troupe d'environ 70 personnes qui circule de ville en ville pour y donner des représentations quotidiennes. Parmi eux, on compte une trentaine d'artistes dont la plupart ont grandi au sein du cirque où cohabitent plusieurs familles. Le reste de la troupe se compose de techniciens qui assurent la logistique, le montage et le démontage du chapiteau. Enfin, quatre cornacs dirigent la vie d'un éléphant. Baptisé Rashmoni, il lui faudra une dizaine de jours pour rejoindre à pied Magura, prochaine ville-étape à accueillir la troupe.

Alors que jusque dans les années 1990, les sarkas (cirques en bengali) étaient toujours très populaires au Bangladesh, ils attirent aujourd'hui de moins en moins de spectateurs. Il n'en resterait à présent qu'une dizaine à tourner dans le pays. En raison de mesures gouvernementales pour la protection animale, une grande partie des animaux de cirque ont été libérés pour être réinsérés dans des parcs nationaux, faisant ainsi perdre aux cirques un de leurs attraits majeurs aux yeux du public. De même, la crise du Covid-19 a récemment obligé les cirques à cesser leur activité pendant deux années consécutives, ce qui a été un coup dur pour les finances de cette industrie.

Malgré les difficultés économiques qu'il traverse, le Lion Circus continue de tourner dans le pays pendant une grande partie de l'année, perpétuant ainsi une tradition ancestrale. La troupe mène une vie nomade en marge de la société bangladaise, vivant avec très peu de moyens, mais dans une grande solidarité. Les enfants qui grandissent au sein du cirque ne sont pas seulement éduqués par leurs parents, mais aussi par toute l'équipe, et participent aux spectacles dès leur plus jeune âge. Nomades, les artistes sont souvent mal considérés par une partie des sédentaires, ce qui renforce d'autant plus leurs liens fraternels. Mais c'est bien leur mode de vie qui est aujourd'hui menacé de disparition.

Lucien Migné




LE PHOTOGRAPHE LUCIEN MIGNÉ
Basé à Marseille, Lucien réalise des reportages qui explorent les mécanismes humains, sociaux et environnementaux qui façonnent notre monde actuel. Après plusieurs années de voyages pendant lesquelles il a aiguisé son œil de photographe, il a entrepris des études de cinéma et réalisé plusieurs courts-métrages. Il s'est ensuite tourné vers la photographie documentaire, dans la continuité de son approche de cinéaste : celle de raconter des histoires avec des images.