Battre le record du monde d'immersion dans la glace, c'est le défi fou sur le papier que s'est lancé Romain Vandendorpe.
À 32 ans, passionné depuis toujours par la « mécanique » du corps humain et les neurosciences, ce kinésithérapeute-ostéopathe et hypno-thérapeute (de profession) veut prouver au grand public par l'expérience que chacun a la capacité de se transformer pour atteindre ses objectifs.
Convaincu que le froid possède des vertus thérapeutiques que l'on ignore encore, Romain veut dépasser les limites du corps humain pour améliorer le champ de nos connaissances et secouer les consciences.
Car sa quête révèle une colère profonde : « Je veux braquer la lumière sur une petite fille de 4 ans, Augustine, brutalement emportée par une tumeur du tronc cérébral.
J'ai été sollicité à son chevet deux jours avant sa mort, mais c'était trop tard. J'aurais pu faire tellement plus si l'on m'avait appelé avant ! »
Affecté par cette injustice, il imagine un acte fort et fondateur : le Neuro Ice Record. « Moi j'ai une appétence pour le froid, je veux sortir de ma zone de confort, et je n'ai pas peur de l'échec », déclare le sportif plein de fougue.
Et depuis mars 2019, le voilà qui s'immerge quotidiennement dans l'eau glacée, nageant dès qu'il le peut dans les lacs gelés de haute montagne.
Mais l'aventurier réside avec sa femme et leurs trois enfants en Wallonie, et il doit s'entraîner avec les moyens du bord : un simple congélateur dans son garage.
Tous les matins, à 6 heures 30, Romain s'immerge dans l'eau à 0,1°C. À l'intérieur, chaque seconde est comptée.
L'homme maîtrise son stress, même si d'un jour à l'autre, la morsure du froid est plus ou moins douloureuse :
« Je ressens parfois des contractions involontaires, mais j'aime ça. À chaque bain, c'est une vraie bagarre ! »
Pour se motiver, il écoute de la musique épique, celle qui mêle des violons à des percussions puissantes :
« Pour moi, la rage est un atout car elle m'aide à me surpasser », explique-t-il avant de se taire et de se concentrer.
Depuis un an qu'il s'entraîne, il est passé de 10 à 70 minutes, trouvant dans la méditation le meilleur moyen de maîtriser son énergie.
Mais le record est loin d'être battu, d'autant qu'il vient d'être établi à la marque de 2 heures 30 minutes.
Une éternité pour le quidam, mais pour Romain, c'est avant tout l'objet d'un parcours initiatique.
Équipé d'un capteur de fréquence cardiaque, il descend à 25, voire 20 pulsations par minute, ce qui déconcerte son médecin.
Autre expérience vécue la veille :
« À un moment, j'ai senti que mon cœur s'arrêtait. C'était comme si j'accrochais quelque-chose à un fil.
D'un seul coup, j'étais bien… » rapporte-il à son mentor, le docteur et physiologue Costantino Balestra.
Ce dernier n'était pas là, donc il ne saurait dire si Romain a été victime d'une hypoxie cérébrale, d'une arythmie cardiaque, ou si son corps a subitement sécrété un cocktail d'adrénaline et d'enképhaline.
Devant son « cobaye volontaire », le médecin sait combien les données physiologiques et neuronales recueillies durant ce record vont être précieuses pour Romain mais aussi in fine pour la science.
Le 19 décembre 2020, après bientôt deux ans d'entraînement, Romain s'attaque au record. Installé dans le gymnase de Wattrelos, il mobilise tous ses proches pour répondre au cahier des charges du Guinness World Records.
Une cabine en plexiglas est érigée pour contenir 2 mètres cubes de glaçons industriels à -18°C. La télévision locale est là, et divers journalistes se pressent autour de la vedette :
« Aujourd'hui je n'ai pas de plan B, sinon psychologiquement, je réduirai mes chances de 30 % », déclare-t-il.
Concentré, il donne le top départ pour verser la glace. Deux arbitres affectés par le Guinness veillent à ce que les glaçons recouvrent bien ses épaules.
Le chrono est lancé. Romain garde les bras serrés sur son torse. Son regard est sombre.
Il grimace, sourit, tremble, s'émeut, s'énerve, s'assoupit… Il « joue » avec diverses émotions pour traverser les phases les plus douloureuses.
Grâce à une pilule connectée qu'il a préalablement ingérée, les secouristes suivent l'évolution de sa température corporelle.
Au bout de 30 minutes, elle est à 36,7°C : « Il vient de remonter de 0,2°C… on voit qu'il est habitué ! » confie un médecin du SAMU qui, s'il descend à 33,5°C, ordonnera son évacuation.
Au bout de 2 heures 30, le record est battu et son public l'encourage à continuer.
Sous les applaudissements chaleureux, son corps à 35,10°C remonte de 0,3°C en moins de deux minutes. Les secouristes sont médusés.
Mais la sortie est plus complexe que l'immersion. Outre les glaçons qui se sont collés entre eux, Romain réactive sa circulation sanguine en mobilisant ses muscles.
Plus froid, le sang périphérique rejoint subitement son cœur, et il doit sortir très lentement jusqu'au vestiaire pour éviter la crise cardiaque.
Mais tout va bien, il a le sourire : « J'ai fait le job ! » euphémise le héros du jour.
Son record : 2 heures 35 minutes et 43 secondes, il le dédie à l'association Wonder Augustine qui sensibilise aux cancers pédiatriques et finance des projets de recherche fondamentale pour y remédier.
© ZEPPELIN
|
|
|