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EVENKS LES GARDIENS DES RICHESSES YAKOUTES
YAKOUTIE, RUSSIE © NATALYA SAPRUNOVA / AGENCE ZEPPELIN
Ils font corps avec la taïga. Éleveurs de rennes, chasseurs de tradition, les Evenks connaissent tout de cette grande forêt froide. Mais en Iakoutie, là où le paysage est parsemé de mines d'or et de diamant, ce peuple autochtone se sent coupable d'avoir un jour « guidé » les Soviétiques dans leurs prospections souterraines. Aujourd'hui les futaies sont massivement abattues, les lits des rivières saccagés et les nappes phréatiques polluées. Les Evenks espéraient un meilleur lendemain pour leurs enfants.  LIRE LA SUITE
[dans la région de Iengra, Yakoutie, Russie] Andreï, le chef de la communauté Boudya (qui se traduit de l'evenk par « laisser sa trace »), gère l'élevage de 6 communautés tribales, chacune possédant 100 à 250 rennes, soit un troupeau total de près de 1000 têtes. Lui-même en possède 10. Ce jour-là, avec ses collègues au sein de la taïga, il récupère un renne de plus du troupeau commun.





[dans la région de Iengra, Yakoutie, Russie] Éleveur de rennes depuis son enfance, Alekseï Kourbaltinov se tient ici près du troupeau N20. Tous les ans, il perd entre 30 et 40 bêtes à cause des exploitations aurifères qui sont conduites sur sa terre héréditaire. Les rennes y viennent par habitude pour mettre bas, mais les faons n'arrivent pas à marcher dans la boue et périssent sur place. De plus, les chiens des chercheurs d'or attaquent et blessent les rennes.


[dans la région de Iengra, Yakoutie, Russie] Après deux jours de recherche, Alekseï Kourbaltinov récupère un faon coincé dans la boue marécageuse. Ici, près du troupeau de rennes N20, la topographie de la taïga a été bouleversée par l'installation d'une mine d'or. « Les rennes ont une mémoire génétique des voies de migration. Il est impossible de leur expliquer qu'il vaut mieux éviter de fréquenter les sites miniers », témoigne l'éleveur.
[Syuldyukar, Iakoutie, Russie] L'industrie diamantaire a organisé des forages et des extractions dans la forêt près de la localité rurale Syuldyukar, rattachée à la ville de Mirny – région la plus riche de Yakoutie – sans prévenir ses habitants ni les autorités locales. Ici, la Maire est venue rencontrer le responsable des chantiers pour l'inviter à parler aux locaux et proposer de leur payer des compensations. Le site est connu pour sa mine de 525 mètres de profondeur et de 1200 mètres de diamètre, fermée suite à l'inondation de la carrière.





[Syuldyukar, Iakoutie, Russie] Ksenia Savvinova, autochtone evenke de la région de Syuldyukar, rapporte devant les représentants du gouvernement de la République de Sakha (Yakoutie) les problèmes que rencontrent les habitants : faiblesse de l'électricité (180 volts), coupures fréquentes du réseau téléphonique, absence de route d'été vers le village, de bain collectif, pollution de l'eau, absence d'études sur les substances nocives dans la rivière, et présence de déchets industriels abandonnés dans la forêt.


[Syuldyukar, Iakoutie, Russie] Suite à la rupture des barrages du producteur de diamants Alrosa en 2018, des eaux polluées ont coulé dans les rivières Irelyakh, Malaya Botuobiya et Vilyui, dépassant de 20 fois la concentration autorisée de « matières en suspension ». Depuis, certaines espèces rares de poisson, comme le taïmen, ont presque disparues. À Syuldyukar, ce n'est que 3 ans plus tard que le gouvernement a mis en place des installations de traitement de l'eau, mais les habitants considèrent que cette eau n'a jamais retrouvé sa transparence.
[Duvanny Yar, Yakoutie, Russie] Le directeur de la Station scientifique du Nord-est de la Yakoutie, Nikita Zimov, fait face à un mur de glace noirâtre qui constitue le permafrost, le long de la rivière Kolyma, au nord du cercle polaire arctique. Ici, avec une moyenne de 20°C pendant 10 jours, soit 6°C de plus que la normale d'août, le dégel a provoqué un glissement de terrain. Selon la théorie de Nikita Zimov, un grand nombre d'animaux herbivores, tels yaks, bisons, chevaux, chèvres et rennes, seraient nécessaires pour pâturer la terre afin de la protéger de la fonte du permafrost.





[Yakoutsk, Yakoutie, Russie] Depuis l'interdiction d'utiliser la chimie pour réguler les populations de loups dans les taïgas de Yakoutie, les attaques sur les rennes et sur l'Homme menacent l'élevage dans son ensemble. Pour celui qui a pu chasser un loup dans les règles, le fourreur Sakhaboult offre 20 000 roubles (environ 222 euros en 2023) pour confectionner vêtements, chaussures et souvenirs.


[Iengra, Yakoutie, Russie] L'arrière petite-fille de Galina Lazareva chante à la maison de prière de l'Église baptiste. Les représentants de ce mouvement chrétien évangélique sont arrivés à Iengra en 1992. La famille Yudintcev, dont le père joue ici du piano, compte aujourd'hui 14 enfants. Tous les dimanches et mercredis, ils se réunissent pour chanter en compagnie des villageois autochtones.
[Syuldyukar, Yakoutie, Russie] À l'occasion de la Journée du défenseur de la patrie, une fête nationale célébrée chaque année le 23 février, les éducateurs de la crèche de Syuldyukar déguisent les enfants en militaires.





[Iengra, Yakoutie, Russie] Galina Lazareva s'est convertie au christianisme avec l'Église baptiste au début des années 1990, lorsque son fils s'est pendu dans sa maison, et que sa fille et son mari sont décédés. Depuis elle a renoncé à la culture evenke et trouve son calme dans la prière.


[Khatastyr, Yakoutie, Russie] À plusieurs reprises dans l'histoire russe et yakoute, les Evenks ont été confrontés à des trocs d'alcool contre de la fourrure de rennes et d'animaux chassés. N'ayant pas d'enzymes qui permettent d'assimiler l'alcool, beaucoup ont développé une vraie dépendance.
[Iengra, Yakoutie, Russie] Lors du solstice de juin, les Evenks participent à Ikenipké, une fête traditionnelle qui célèbre la rencontre du soleil et du nouvel an. C'est l'occasion pour les plus jeunes de s'affronter dans diverses compétitions sportives : course avec un bâton, pêche, saut en hauteur, ou encore lutte traditionnelle dite « ngortchan » où, comme ici, un athlète doit arracher son adversaire du sol et le jeter à terre.





[Yakoutsk, Yakoutie, Russie] Prokopiï, chasseur evenk réputé dans toute la Yakoutie, fête son 60ème anniversaire avec sa famille venue de Zhigansk dans le complexe ethnographique Chochur Muran, loué pour l'occasion.


[Iengra, Yakoutie, Russie] Iengra est le seul village evenk de toute la Yakoutie où les habitants ont conservé l'usage de la langue evenke. Les enseignants transmettent cette langue dès la maternelle.
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LA PHOTOGRAPHE NATALYA SAPRUNOVA
Née au nord du cercle arctique, à Mourmansk, en Russie, Natalya a d'abord travaillé comme photojournaliste pour le quotidien Le Messager de Mourmansk pendant ses études supérieures de français. Arrivée en France en 2008, elle exerce dans le marketing avant de se faire naturaliser Française et de revenir à la photographie. Diplômée de l'École des métiers de l'information (EMI) à Paris, elle continue d'explorer les problématiques de la société moderne liées à l'identité, la jeunesse, l'environnement et la spiritualité. Passionnée par la transmission des savoirs, elle donne également des cours à l'école Graine de photographe à Paris.