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PATRIMOINE L'ÉTHIQUE DU RESTAURATEUR
FRANCE © ANTOINE MERLET / AGENCE ZEPPELIN
Les œuvres d'art sont des témoignages fragiles. Certaines valent cher quand d'autres n'ont pas de prix. Tel un patrimoine, elles traversent le temps et les épreuves avec plus ou moins de succès. Convoitées, blessées, négligées, certaines d'entre elles sont confiées à des restaurateurs. Charge à eux d'interrompre leur processus de destruction et, éventuellement, de rétablir leur aspect originel. Deux missions qui requièrent de la méthode et du sang froid.
Comme un médecin face à son patient, l'expert doit d'abord enquêter, s'interroger et se remettre en question pour ne pas commettre d'erreur. Du bon diagnostic dépendra le meilleur traitement. Aujourd'hui, de la loupe binoculaire à l'accélérateur de particules, en passant par la réflectographie infrarouge, la fluorescence d'ultraviolets et ou encore l'imagerie par rayons X, les restaurateurs disposent d'outils toujours plus performants pour identifier, dater et comprendre ce qu'ils ont entre les mains. « Lorsqu'elles arrivent à l'atelier, les œuvres ont déjà fréquemment subi des restaurations, souvent abusives et inadaptées », rapporte Céline Bonnot-Diconne, restauratrice du cuir. « Nous ne sommes pas des artistes, nous sommes des passeurs », déclare de son côté Aldo Peaucelle, restaurateur de tableaux, toujours prêt à travailler des heures sur quelques centimètres carrés.

Cheville ouvrière de la conservation préventive, le restaurateur intervient littéralement dans la matière. Les mains calleuses du sculpteur, comme les doigts agiles de l'horloger, héritent d'un savoir-faire centenaire, parfois millénaire. « Cinquante générations nous contemplent », estime le vitrailliste Jean Mône à propos du chantier de Notre-Dame de Paris. Pour Béatrice Bert, responsable de l'Atelier de restauration des archives de Lyon, il s'agit « d'offrir une seconde vie aux documents ». Un interventionnisme à rebours qui exige de « laisser visible l'histoire matérielle de l'œuvre », précise Laurence Labbe, conservatrice-restauratrice au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF). « Tous les matériaux et produits employés doivent répondre à des critères de stabilité chimique, d'innocuité et de réversibilité dans le temps », explique à son tour Laure Cadot, restauratrice d'objets ethnographiques. Une déontologie empreinte d'humilité qui fait honneur à cette génération de restaurateurs. Chacun dans leurs domaines, ils ont à cœur de protéger et de transmettre les objets qui font l'Histoire.

Dans ce reportage, le photographe Antoine Merlet a poussé les portes d'ateliers rhodaniens hors du commun, tels l'Horloger de la Croix-Rousse, le Centre de conservation et de restauration du cuir, les Archives municipales de Lyon, le Musée des Confluences, les ateliers du Vitrail Saint-Georges et celui d'Aldo Peaucelle. À Paris, il a découvert le formidable potentiel du C2RMF, avec sa filière peinture, sa filière sculpture et son accélérateur de particules. Il s'est également rendu là où les œuvres sont inamovibles, tels les châteaux de Maintenon et de Versailles, ainsi qu'à la cathédrale de Reims. De l'acrylique de Ben au lapis-lazuli de Jean Nocret, du verre peint d'un lit persan aux vitraux de Notre-Dame de Paris, il témoigne de la résurrection de grandes œuvres d'art.

Julien Pannetier




LE PHOTOGRAPHE ANTOINE MERLET
Photoreporter indépendant, Antoine travaille pour la presse régionale et nationale. Après avoir donné des cours de sport pendant cinq ans, il s'est engagé dans le journalisme, orientant ses travaux vers les luttes sociales. Il aime prendre le temps de comprendre un sujet avant de s'y engouffrer. Exposé aux Rencontres d'Arles en 2017, à la Galerie VU' en 2020, et projeté au festival Visa pour l'image en 2021, il sait sortir de sa zone de confort pour travailler avec des rédactions comme M Le Monde, Télérama, Le Figaro, Libération, La Croix, ou encore Vice.
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Venir au secours d'une œuvre d'art est un métier. Cela s'apprend. Au Département des restaurateurs de l'Institut national du patrimoine (INP), une centaine d'élèves suivent ainsi des cours théoriques et pratiques. Pendant cinq ans, ces petites mains s'exercent progressivement sur des œuvres d'art conservées dans divers musées français. Ce ne sont pas des artistes, mais des techniciens dont chaque intervention est encadrée par un professionnel qualifié. Des experts en devenir.
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Restaurée par le C2RMF, la momie égyptienne de Setjaimengaou s'apprête à regagner le Musée de Picardie, à Amiens. Il s'agit d'une femme décédée vers 664 av. J-C, probablement issue de la nécropole thébaine. Préservée de la putréfaction, elle n'en demeure pas moins fragilisée par le poids des années. Charge aux restaurateurs contemporains d'employer leurs savoir-faire afin de mieux l'admirer et la respecter pour les siècles à venir.