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FAMADIHANA LE RETOURNEMENT DES MORTS
MADAGASCAR © ROMAIN ADAM / AGENCE ZEPPELIN
Chaque hiver, de mai à septembre, les communautés rurales des Hautes Terres de Madagascar sont à la fête. Les récoltes de riz sont terminées et les enfants en vacances. C'est le moment que choisissent les aînés pour honorer leurs ancêtres lors du famadihana. Cette cérémonie funèbre est l'occasion de rassembler la famille et tous les voisins pour aller en chœur « retourner les morts ».  LIRE LA SUITE
[Antananarivo, Analamanga, Madagascar] Après trois jours de recueillement auprès de la dépouille de Tsihavana Ralaizafihita, dit « monsieur Richard », l'heure de l'inhumation est arrivée. En veste de costume, le corps est enveloppé dans un premier linceul par la famille et les amis.





[Antananarivo, Analamanga, Madagascar] Les nièces attendent à l'extérieur de la maison du défunt. Elles sont assises à côté du cercueil qui a été loué pour la cérémonie. Il sera rendu après l'inhumation.


[Antananarivo, Analamanga, Madagascar] Les frères du défunt sont partis acheter de la bière et du soda à la boutique du quartier. Les funérailles sont l'occasion de partager un verre en famille.
[Antananarivo, Analamanga, Madagascar] Après la cérémonie catholique, le défunt est acheminé en cercueil devant le caveau familial. Des discours sont prononcés, puis les proches se recueillent silencieusement pendant dix minutes avant que le corps de Tsihavana Ralaizafihita, alias monsieur Richard, ne soit finalement inhumé.





[Antananarivo, Analamanga, Madagascar] Après avoir brisé le scellement, et fait glisser la dalle de béton, l'accès au tombeau familial est dégagé. Ici, le doyen en nettoie le seuil afin d'honorer l'entrée du défunt parmi les anciens. « Je serai probablement le prochain à y aller, et j'espère que cela se passera mieux », confie le vieil homme qui veut montrer l'exemple aux plus jeunes.


[Antananarivo, Analamanga, Madagascar] Dans le caveau familial, les dépouilles sont palpées pour estimer leur niveau de décomposition à travers le linceul. Traditionnellement, il faut attendre au minimum un an après le décès pour qu'il ait sa place dans le tombeau, mais dans la capitale malgache, cette pratique se perd. Ici, les noms des défunts ont été écrits sur leurs linceuls pour les reconnaître.
[Ambohibary, Vakinankaratra, Madagascar] Parmi les hautes terres de l'Imerina, un jeune berger surveille les zébus qui paissent les chaumes de riz. En ce début du mois de septembre, la saison sèche est à son comble, conférant au paysage un camaïeu de bruns.





[Ambohibary, Vakinankaratra, Madagascar] Une femme et son enfant se tiennent devant leur maison en torchis et au toit de chaume. Ici, il n'y a ni eau courante, ni électricité, et le charbon de bois est indispensable aux tâches du quotidien.


[Ambohibary, Vakinankaratra, Madagascar] L'agriculture rythme la vie des habitants. Ici, toute une famille s'affaire à la récolte des pommes de terre. Les angadys, ces bêches longues et fines, ont même été adaptées à la taille des enfants.
[Route nationale 7, Analamanga, Madagascar] Pendant la saison sèche, il n'est pas rare de croiser sur la route des hauts plateaux des familles qui pratiquent le famadihana. Ici, un cortège festif déplace la dépouille d'un défunt de son premier tombeau jusqu'à un second. Durant cette période de ralentissement agricole, certains n'hésitent pas à participer à une dizaine de famadihanas.





[Andraimasina, Analamanga, Madagascar] À chaque famadihana, le même rituel. Le père de famille invite chez lui des centaines de personnes : sa famille, ses amis, mais aussi tous les habitants du village ou du quartier. Après avoir été tué, dépecé et coupé en deux par le boucher, la carcasse d'un cochon est équarrie par les convives.


[Andraimasina, Analamanga, Madagascar] À la nuit tombée, la fête commence avec l'arrivée des musiciens qui entament Ry Tanindrazanay malala ô, l'hymne national de Madagascar. Le dj succède finalement à l'orchestre, emmenant bon nombre de convives à danser jusqu'aux premières lueurs du matin.
[Ambohibary, Vakinankaratra, Madagascar] Invités pour l'occasion, des musiciens professionnels jouent tout le long du pèlerinage jusqu'au tombeau. Les kilomètres de marche en montée, la poussière et le soleil accablant n'entament pas leur motivation.





[Andraimasina, Analamanga, Madagascar] Trois hommes s'affairent à déterrer le corps d'une petite fille. Tout autour, la foule retient son souffle. Deux ans plus tôt, Fanantanana mourrait à l'âge de trois ans, « empoisonnée » dit-on par « une sorcière du village ». Comme le veut la tradition, elle a été inhumée seule, mais à proximité du tombeau collectif (ici à gauche) qu'elle peut désormais rejoindre.


[Andraimasina, Analamanga, Madagascar] Vingt minutes après le premier coup de pelle, Karana exhume le cercueil de l'enfant. Toute la foule est rassurée de le retrouver dans son intégralité. « On a déjà vu des petits corps comme celui-là dérobés par d'obscurs bandits, des gens qui pratiquent la sorcellerie », confie Karana qui s'est dévoué pour creuser, porter le cercueil et toucher l'enfant, chose que la tradition interdit (fady en malgache) à ses parents de faire.


[Andraimasina, Analamanga, Madagascar] À chaque ouverture de tombeau, de l'alcool est versé sur la porte « comme un partage entre les vivants et les morts, une marque de respect ». Consacré en 2019, ce tombeau à deux étages aura coûté 12 millions d'ariarys (environ 2 930 euros en 2019), une somme pour laquelle la famille de Noro s'est endettée sur plusieurs générations.


[Andraimasina, Analamanga, Madagascar] Dans le tombeau en pierre règne une humidité âcre, le résultat de plusieurs cadavres en décomposition dans un milieu frais et confiné. Cette atmosphère nauséabonde contraste avec l'effervescence des vivants. Ils sont venus nombreux, déployant de grandes nattes pour transporter les morts à l'extérieur, emplissant l'air d'une poussière moisie.
[Ambohibary, Vakinankaratra, Madagascar] À l'ouverture du tombeau, toute la foule se presse autour de la sortie. Chacun essaye d'avoir une place pour toucher la dépouille d'un ancêtre, lui parler, ou lui demander une requête.





[Ambohibary, Vakinankaratra, Madagascar] En posant sa main sur le linceul de son ancêtre, l'homme peut ressentir sa présence pour mieux se recueillir. Il cherche aussi à lui prouver son affection, attendant en retour sa bénédiction. Cette palpation est également instituée pour apprécier l'état de décomposition, un « cadavre sec » étant de bon augure.


[Andraimasina, Analamanga, Madagascar] Les corps sont sortis uns à uns du tombeau. Ils sont transportés dans des nattes qui prennent dès lors une grande valeur aux yeux des plus superstitieux. À la fin de la cérémonie, on s'arrachera ces nattes pour les installer sous les matelas des lits afin de « s'approprier la fécondité des ancêtres ».


[Ambohibary, Vakinankaratra, Madagascar] Au passage de la dépouille de sa mère, une jeune fille n'arrive plus à retenir ses émotions. Ses deux tantes essaient de la consoler, en vain. Elle s'agrippe de toutes ses forces à la natte en laissant couler des larmes.


[Andraimasina, Analamanga, Madagascar] « Depuis que je suis tout petit, les famadihanas sont pour moi des moments de retrouvailles et de partage », confie un ancien qui se moque des préceptes religieux et les restrictions sanitaires.
[Ambohibary, Vakinankaratra, Madagascar] Une fois sortis du tombeau, les corps sont posés sur des nattes ramenées pour l'occasion. Ils sont laissés ainsi pendant une dizaine de minutes afin que chacun dans la foule puisse les voir et se recueillir.





[Ambohibary, Vakinankaratra, Madagascar] Les membres de la famille ajoutent un nouveau linceul autour de la dépouille, en superposition de l'ancien. Ce tissu en soie (lamba mena en malgache) est enroulé afin que « l'ancêtre n'ait plus froid dans son tombeau ».


[Andraimasina, Analamanga, Madagascar] Sorties du tombeau familial, plusieurs dépouilles sont installées sur des nattes au sol. Le portrait-photo encadré de Toky, le fils de Noro, est posé sur son corps emmailloté. Il est mort d'un accident de moto.


[Ambohibary, Vakinankaratra, Madagascar] À bout de bras, les descendants conduisent joyeusement la dépouille d'un aïeul dans son tombeau. Recouvert d'un linceul neuf, le corps est chahuté pour souligner une forme de familiarité.


[Ambohibary, Vakinankaratra, Madagascar] Après avoir pris le temps de se recueillir, enroulé un nouveau linceul autour de la dépouille, et fait cinq fois le tour du site avec, les porteurs regagnent l'intérieur du tombeau familial.
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LE PHOTOGRAPHE ROMAIN ADAM
Dès son premier appareil photo, il en est devenu accro. En 2009, il a parcouru l'Inde, son premier grand voyage, joignant son obsession pour la photographie à ses envies d'ailleurs. Depuis lors, il n'a de cesse de capturer des scènes de vie, des personnes incroyables et inspirantes, et de les documenter au moyen d'enregistrements audio, vidéo et bien évidemment photo. Mélomane à ses heures, il octroie beaucoup de temps aux artisans musiciens qu'il rencontre aux quatre coins du monde.