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LAC MALAWI LE CRÉPUSCULE DES PÊCHEURS
SENGA BAY, CAPE MACLEAR et MONKEY BAY, MALAWI © ALICE ROY / AGENCE ZEPPELIN
Les projecteurs percent l'eau bleutée, en vain. Depuis les années 2000, les pêcheurs du lac Malawi observent un effondrement de la ressource halieutique, et nuit après nuit, l'espoir de remplir leurs filets s'affaiblit. Pris en tenaille par une démographie croissante, ce gigantesque lac contribue de mal en pis à la sécurité alimentaire du Malawi, l'un des pays les plus pauvres du monde. Et lorsque les riverains démunis en viennent à pêcher à la moustiquaire, capturant les derniers alevins de ce bassin nourricier, les naturalistes s'alarment. Aujourd'hui, des citoyens se mobilisent pour préserver sa biodiversité et le précieux garde-manger qu'elle constitue.
UN LAC SOUS PRESSION
[Cape Maclear, Malawi] Stanlay Mzumara, chef d'équipe, et Charles, son collègue, manœuvrent leurs pirogues équipées de projecteurs. Chaque nuit, ils éclairent ainsi la surface de l'eau pour leurrer le poisson et l'attirer au centre du filet, avant que celui-ci ne soit relevé.





[Monkey Bay, Malawi] Les poissons ramenés à terre sont encore jeunes et n'ont pas eu le temps de se reproduire. Ceux-là n'auraient pas dû être pêchés car à force, les stocks s'épuisent et bientôt, il n'y aura plus assez de poissons pour nourrir les riverains.


[Cape Maclear, Malawi] Après une nuit de pêche, les chaloupes regagnent la plage où la frénésie est intense. Les femmes des pêcheurs accourent pour venir chercher la pêche du jour. Premières arrivées, premières servies. Elles vendront ensuite ce poisson sur les marchés.


[Senga Bay, Malawi] Les usipas (Engraulicypris sardella) sont consommés séchés ou bien ébouillantés.


[Senga Bay, Malawi] Pour être séchés, les usipas sont étendus sur des claies qui, d'année en année, se vident.


[Senga Bay, Malawi] Les usipas séchés sont empaquetés avant d'être expédiés vers les grands marchés du pays, mais aussi au Mozambique.


[Monkey Bay, Malawi] Jusque tard dans la soirée, les marchés accueillent des vendeuses qui proposent sur leurs étals des usipas séchés.
LE FILET CRIMINEL
[Monkey Bay, Malawi] Un pêcheur ramende un filet en monofilament de nylon. Ce jour-là, le vent souffle fort, et les vagues qui se lèvent rendent la navigation trop dangereuse pour ces hommes dont la plupart ne savent pas nager.





[Monkey Bay, Malawi] Pour des raisons financières, bon nombre de pêcheurs emploient des filets en monofilament de nylon qui, une fois cassés ou perdus, ne se dégradent pas et continuent à capturer les poissons. Pour rien. Transparents, ces « filets fantômes » représentent un véritable fléau pour la faune.


[Monkey Bay, Malawi] Duncan Balwambo, 42 ans, pêche depuis qu'il en a 16. À la mort de son père, il a dû aider sa mère à nourrir la famille. D'abord employé par un pêcheur, il est parvenu à se procurer une pirogue et du matériel de pêche. Son filet est illégal, mais c'est le seul qu'il puisse s'offrir.
UNE LENTE PRISE DE CONSCIENCE
[Senga Bay, Malawi] Plusieurs fois par semaine, les membres bénévoles du Beach Village Committee contrôlent et sensibilisent les pêcheurs aux bons gestes pour préserver la ressource halieutique.





[Senga Bay, Malawi] Jennifer Issa, mère de 5 enfants, a décidé de s'engager au sein du Beach Village Committee. Plusieurs fois par semaine, cette femme de pêcheur embarque bénévolement sur la chaloupe de l'association pour contrôler et sensibiliser les pêcheurs. Il s'agit d'inculquer les bons gestes afin de préserver la ressource halieutique.


[Senga Bay, Malawi] Les membres du Beach Village Committee s'apprêtent à intervenir auprès de pêcheurs pour contrôler les prises et le matériel utilisé. En cas de fraude, ils seront avertis. S'ils récidivent, leur matériel leur sera confisqué, ce qui serait très grave pour ces hommes qui vivent uniquement de la pêche.


[Senga Bay, Malawi] Les roselières qui bordent le lac sont peu à peu détruites afin de fournir un matériau de construction pour les cases. Ce sont pourtant des lieux de reproduction et des nurseries pour les poissons. Malheureusement pour l'instant, il n'existe pas de réglementation pour empêcher les coupes rases de ces habitats naturels.


[Senga Bay, Malawi] Les roselières sont des lieux de reproduction et des nurseries pour les poissons. Le Beach Village Committee de Senga Bay est aujourd'hui parvenu à protéger ces zones fragiles, là où se reproduit le chambo, un poisson emblématique du lac. Ici, les alevins bénéficient d'un environnement naturel pour grandir tranquillement car la pêche y est dorénavant interdite.


[Senga Bay, Malawi] Un homme montre un chambo (Oreochromis lidole) qu'il a pêché illégalement. En effet, du 1er novembre jusqu'à fin février, un décret gouvernemental interdit la pêche de cette espèce connue comme « le poisson préféré des Malawites », et pourtant menacée d'extinction. Les contrevenants s'exposent à une lourde amende et la confiscation de leur matériel de pêche.


[Cape Maclear, Malawi] Les Beach Village Committees ne sont pas les seuls à lutter pour préserver la richesse du lac. Les rangers du Parc national du lac Malawi patrouillent tous les jours afin de contrôler les pêcheurs, leur matériel et leur prises. Ici, Gregor Kalandi, jeune fonctionnaire, dresse un procès-verbal à un pêcheur qui utilise ses filets trop près de la rive, zone de reproduction des poissons.
VERS UNE CRISE ALIMENTAIRE ?
[Monkey Bay, Malawi] Sans pirogue ni filet, des femmes pêchent depuis la plage de Venice Beach à l'aide de moustiquaires assemblées entre elles. Ce procédé de fortune constitue un désastre écologique car les mailles très fines capturent toutes les tailles de poisson, jusqu'aux plus petites. Or, si les juvéniles sont non seulement peu nourrissants parce que minuscules, ils ne se reproduiront jamais.





[Monkey Bay, Malawi] La pêche du jour est composée de jeunes chambos, des poissons dont l'espèce est menacée d'extinction (classée en « danger critique » depuis 2023). Il aurait mieux valu attendre que ces alevins mesurent la taille d'une main pour les pêcher, mais comment œuvrer pour le futur quand le futur n'existe pas pour soi-même ?


[Monkey Bay, Malawi] La filière pêche permet à des milliers de familles de subvenir à leurs besoins, qu'ils s'agissent de pêcheurs, mais également de divers métiers, tels les charpentiers de marine. La construction de pirogues monoxyles répond d'ailleurs à un marché florissant. Chaque embarcation est ainsi taillée dans un seul tronc d'arbre.
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LA PHOTOGRAPHE ALICE ROY
Basée dans le sud de la France, à Narbonne, Alice explore les liens entre l'humain et son environnement naturel et social. Son travail sur le terrain évolue entre l'écriture documentaire pour la télévision, la radio et la photographie. Freelance depuis 2019, elle a longtemps occupé des postes en lien avec la nature et la communication. Après des études de journalisme à Toulouse puis à l'université Complutense de Madrid, elle a complété son cursus avec un double master de gestion de l'environnement à l'Université de Sherbrooke au Québec, puis à Troyes en France.