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LE ROJAVA ASSIÉGÉ PAR LA SOIF
ROJAVA, SYRIE  •  PHOTOS © NICOLAS MATHYS / AGENCE ZEPPELIN  •  TEXTE © KHABAT ABBAS
Dans une Syrie entrant dans l'ère post-Assad qui prétendait mettre fin à une décennie de guerre, l'Euphrate, fleuve stratégique, s'impose comme la démarcation de deux entités, le miroir d'un pays fracturé. D'un côté, depuis Damas, les milices du groupe islamiste Hay'at Tahrir al-Sham (HTS) soutenu par la Turquie. De l'autre, la région autonome du Rojava, ou Administration autonome du Nord-Est Syrien (AANES). Dans cette région, l'eau est si rare qu'elle est désormais au cœur des enjeux politiques. Loin des champs de bataille, l'accès à cette ressource élémentaire amorce la nouvelle phase d'un conflit.
Percevant d'un mauvais œil l'autonomie d'un territoire originellement portée par les Kurdes et communautés multiculturelles sur sa frontière sud, la Turquie mène depuis plusieurs décennies une politique d'accaparement des ressources en eau potable, qui naturellement ruissellent vers la Syrie. En amont, les multiples barrages et forages turcs ont progressivement réduit le débit de l'Euphrate et tari certains de ses affluents, dont la rivière Khabour. En aval, les nappes phréatiques s'épuisent, les systèmes d'irrigation se vident et les champs se fissurent. Peu à peu, les villes et les villages s'éteignent sous la soif. Les dernières infrastructures encore en service ne suffisent plus à alimenter une population en détresse.

À cette pression hydrique provoquée s'ajoute le réchauffement climatique, qui achève d'assécher la terre et les Hommes. L'eau est ainsi devenue un instrument de pouvoir : une arme géopolitique pour affaiblir l'autonomie du Rojava et laisser ses habitants suspendus à l'incertitude des pluies et des tractations diplomatiques.

Nicolas Mathys
LE PHOTOGRAPHE NICOLAS MATHYS
Aventurier et passionné d'explorations, Mathys, comme il aime qu'on l'appelle, s'intéresse aux milieux montagneux et polaires, et ce, depuis une expédition autonome en Islande. Ces dernières années, la découverte des étendues sauvages canadiennes, où il a été formé comme « guide de plein air », lui a permis de rencontrer les populations autochtones nord-américaines : les Premières Nations. Désormais installé dans le Sud-ouest de la France, il partage son temps entre les Pyrénées, les pays bordant l'Arctique et le reste du monde.